Le Barde Héroïque présente
Ravenloft : L’enfer est pavé de bonnes intentions
Nous étions en automne… Je crois… Car tout était affreusement sombre. Aucun rayon du soleil n’arrivait à percer la brume épaisse qui avalait l’entièreté du monde où je m’étais étrangement réveillé, il y a de cela 6 jours maintenant. Une odeur constante de souffre âcre se jumelait à l’allure horrifique des branches d’arbres qui me faisaient penser à des bras disloqués. Aucun bâtiment n’arborait de couleurs, mis à part une triste boutique de jouets terrifiants, dans la petite ville de Vallaki, là où se déroule notre histoire.
Outre les bicoques délabrées qui peuplent ce pauvre village, on y retrouve la remorque d’un cirque ambulant inquiétant, une auberge peuplée de corbeaux sauvages et de leurs excréments nauséabonds ainsi qu’une petite chapelle et son cimetière, entretenue avec soins par un prêtre dépassé par la quantité de croyants qui s’y recroquevillent à chaque sermon de la journée. C’est lors de notre première visite à l’Église de St-Andral que son jeune servant de messe, Yeska, nous révèle la présence de vampires dans le village. Après la rencontre de cruelles haguenaudes que je qualifierais de virulentes, d’hurlements et de traces de loups anormalement géants ainsi que d’un manoir habité par des spectres d’enfants, les vampires ne me surprenaient plus.
Yeska : « L’Église est le seul endroit qui est un peu sécuritaire ici… » dit-il, avec sa voix d’enfant brisé par l’horreur.
Takra, prêtresse de Pelor aux besoins maternels non-assouvis, couva le jeune de mots tendres et rassurants, lui promettant d’aider son peuple à purger les terres de Ravenloft du mal qui les rongeait. Je ne pus m’empêcher de soupirer intérieurement. Il faut comprendre que mon seul désir était de quitter ces terres affreuses pour retourner à mes occupations héroïques, dans un monde où les donjons nous récompensent de nos efforts à grands coups de pièces sonnantes et où les auberges répondent à grands cris à ma présence délectable et mes chants relatant les aventures épiques de notre valeureux royaume.
Frère Iliso : « Oh oui mon jeune frère, gloire à Pelor! Pour quelques pièces au nom de Dieu et de sa grandeur, pour que les rayons de Pelor effacent les péchés de vos terres et de vos cœurs, soyez assuré que ma lame pourfendra le dernier des vampires de ces lieux! »
Takra lui répondit d’un regard cinglant, se penchant à la hauteur de l’enfant habillé en lambeaux.
Takra : « Tu n’as rien à payer jeune enfant. Ta foi seule est le plus grand des trésors. »
Helios : « Bon. Est-ce qu’on y va là? J’resterai pas douze ans dans une église et ça fait déjà quatre heures qu’on est là. Ça brette.
Sariel : « Tu ne vieillis pas le robot, qu’est-ce qui presse? » dit la guerrière balafrée.
Helios, d’une race étrange forgé pour la guerre, avait la patience égale au nombre d’inspirations qu’il prenait dans une journée, c’est-à-dire, aucune. Il m’a toujours énormément diverti et se retrouve d’ailleurs dans plusieurs de mes grands succès.
Le construct ne prit même pas la peine de lui répondre, tournant les yeux vers le ciel.
Nous finîmes par avoir les informations nécessaires grâce à mon charisme légendaire, alors que je pris le temps d’amadouer et de rassurer l’enfant sans lui imposer de paiement tel que sa foi ou des pièces d’or qu’il ne possédait pas, de toute façon. Tout ce dont on avait réellement besoin, c’étaient des informations afin de pouvoir sortir d’ici. S’il pouvait nous donner des renseignements sur le seigneur de Ravenloft, un certain Strahd Von Zarovich, nous pourrions possiblement lui demander de nous renvoyer chez nous… Je sais. J’étais naïf…
Selon le jeune Yeska, la maison d’un ébéniste, en plein cœur du village, était, depuis quelques jours, barricadée. La boutique du rez-de-chaussée était fermée et la famille de l’homme ne s’était plus présentée à l’église depuis un long moment. On racontait que des chauves-souris en sortaient la nuit et que l’on pouvait entendre les gémissements de l’homme à toute heure du jour.
Notre groupe emprunta rapidement la route principale du village et bifurqua dans les ruelles déprimantes du quartier « commercial ». Nous étions loin des boutiques de Waterdeep sur la 5e avene… Mais bon. J’avais déjà dû faire le deuil de mes magnifiques bottes de chez Velatha’s Delights.
Sariel grimpa la petite marche menant à la porte de la boutique du rez-de-chaussée où se trouvait une affichette écrit « fermé ». De son poing, elle cogna aussi subtilement qu’une guerrière ne soit en mesure de le faire (je tiens à noter que je lui ai offert à plusieurs reprises des cours d’étiquette à la suite de nos aventures, chose qu’elle a toujours obstinément refusée d’accepter).
Seul le silence répondit à son insistance.
Helios « l’invita » alors à se tasser en la poussant. Dans un grincement mécanique, sa main tomba vers l’arrière, laissant place à un trou béant d’où sorti un ensemble d’outils pour crocheter les serrures. Un déclic se fit rapidement entendre alors que le construct se mit à l’œuvre. Derrière la porte se trouvait une modeste boutique de meubles, à notre gauche, un comptoir massif d’où sortait la tête d’un homme en larmes, caché derrière.
Felwin : « On vient vous sauveeeer! » cria d’un air chantant le gnome artificier.
L’homme lui fît signe de se taire, paniqué.
Ébéniste : « Ne les réveillez pas! » s’empressa-t-il de dire en « chucho-criant ».
Il retomba lourdement derrière son comptoir. Je m’empressai donc d’aller le voir, bien que je sois davantage spécialisé dans le secours de la veuve et l’orphelin. On dit souvent de moi que j’ai un trop grand cœur, je sais.
Moi, Gorimar : « Ne vous en faites pas cher homme » dis-je en chuchotant à sa hauteur, lui tenant vaillamment l’épaule. « Faites simplement nous dire où ils sont.»
Ébéniste : « Ils vont tuer ma femme et ma fille… »
Moi, Gorimar : « Pas s’ils nous rencontrent d’abord! Où sont les créatures? »
Ébéniste : « Justement! Je ne sais pas! Je leur obéis pour m’assurer qu’ils restent en vie en espérant un jour savoir où ils les tiennent prisonnières! »
Je m’empressai de rapporter le tout à mes collègues impatients.
Sariel : « Assurons-nous d’en garder un vivant! »
Ébéniste : « Mon pauvre commerce… c’est tout ce qu’il me reste… » dit-il, en recommençant à sangloter. Mon cœur d’or ne pouvait laisser le pauvre homme seul, je restai donc avec lui pendant que les autres membres du groupe montèrent doucement les escaliers, Helios au-devant.
En arrivant en haut, ils se dispersèrent sans bruit dans la pièce très sèche, remplie de copeaux de bois secs et de bouts de bois secs. On dit même que les dieux leur chuchotèrent plusieurs fois à l’oreille que la pièce était incroyablement sèche. Huit grandes caisses de bois étaient éparpillées dans la pièce. Huit caisses de bois bien assez grandes pour en contenir un humanoïde moyen.
Frère Illiso : « Oh mes frères! Je sens la présence du mal ici-même! Pelor guide mes pas vers trois créatures des ténèbres, plus précisément. Gloire à Pelor et à sa lumière! » dit tout bas le moine.
Helios : « Peux-tu arrêter de prêcher tes cossins et juste nous dire ils se cachent dans quelles boites? »
Frère Illiso, un brin insulté, lui pointa trois caisses.
Sariel : « Nous sommes sept dans le moment. Prenons chacun une caisse en duo, comme ça, ils se réveilleront tous ensembles et on pourra les abattre sans se faire surprendre. »
Helios : « Super plan pour se faire bouffer. On n’a aucune idée ils sont forts à quel point. S’ils sortent tous en même temps et qu’ils sont aussi forts que les sorcières folles, on est faits. »
Pierrot : « Moi je n’aime pas trop ça être bouffé en tous cas… » dit le druide, appuyé par les couinements de Tik et Tak, ses deux familiers écureuils.
Ce que nos héros ne savaient pas, c’est que Felwin l’artificier avait de petits troubles de curiosité attisée par un rien.
Felwin pensa : « Oh chouette! Des vampires! Ça fait au moins 8 heures que j’ai un nouveau jouet et que je n’ai pas pu l’utiliser… Je suis trop fort et trop patient… » Alors que les pensées défilaient dans sa tête et que les autres continuaient à planifier leur attaque, sa main s’étira d’elle-même vers son sac et agrippa le feu gré joie qu’il avait acheté auparavant dans une étrange petite boutique. On lui avait assuré un effet surprenant et Felwin aimait beaucoup les trucs surprenants. Il s’avança lentement vers une des boites préalablement pointées par Frère Illiso. Sans que personne ne puisse faire quoique ce soit et malgré le sourire inquiétant qui s’afficha sur le visage de Dieu (raconte-t-on), Felwin demanda à son familier de soulever le couvercle de la lourde boite et y lança la bouteille. Au même moment, Dumbo (un homme éléphant) tourna sa tête vers la scène. S’il avait pu parler, il aurait certainement crier « NNNOOONNNNN!!! », mais il était trop tard… La boite explosa, le vampire prit en feu… comme les copeaux de bois secs, les bouts de bois secs, les murs secs, le plafond sec et le plancher sec… Les couvercles des deux autres boites sautèrent dans les airs, laissant place à des vampires enragés par les flammes et le décès d’un des leurs. Un terrible combat débuta à travers l’incendie. Le plancher et le plafond allaient céder d’un moment à l’autre. Nul besoin de vous dire que je sauvai le pauvre homme en l’amenant rapidement à l’extérieur lorsque j’entendis l’explosion… mais tous n’eurent pas le loisir de sortir... Ce n’était plus qu’une question de secondes avant que tout ne s’écroule.
Nos aventuriers tentèrent de sauter par les fenêtres du deuxième étage, l’escalier étant en flammes. Dumbo, Pierrot et ses sympathiques écureuils périrent dans l’incendie, tentant de protéger les arrières de leurs amis qui faisaient leur possible pour sortir rapidement, attaqués par les vampires courroucés, qui se métamorphosèrent en chauve-souris lorsque les flammes prirent trop d’envergure. Ils filèrent dans la nuit, probablement avertir leur maître du passage désagréable de ses nouveaux invités. Strahd Von Zarovich aura certainement été diverti de cette histoire, où ces héroïques aventuriers voulurent sauver le pauvre ébéniste, mettant en feu son gagne-pain, sa maison et toutes ses chances de pouvoir revoir un jour sa famille.
La morale de cette histoire? Lorsque vous entendez Dieu appuyer fortement sur un mot et pire encore, sourire, sauvez-vous, pauvres fous.
Votre humble serviteur,
Gorimar, le magnifique